Le conflit israélo-palestinien connaît, depuis le 10 mai, un nouvel embrasement. Les morts et les blessés se multiplient. Outre une opération de guerre à Gaza, la perspective d’une Troisième Intifada se dessine, à une date anniversaire de la fondation d’Israël, le 14 mai 1948. Les évènements actuels ont eu des échos en Corse aussi. Ils font revenir au premier plan une question que certains, y compris dans le monde arabe, pensaient enterrée ou du moins vouée à n’avoir plus qu’une faible audience.
Le bilan est d’ores et déjà très lourd, et il n’est pas clos. 129 morts ont été recensés en quatre jours : 9 côté israélien, dont un enfant, 120 à ce jour côté Palestinien, à Gaza, dont 30 enfants au moins. Plus d’un millier de blessés sont dénombrés, parmi lesquels 150 enfants, là aussi à Gaza.
Contacté par Corsica.News, l’un des représentants historiques de l’Eglise de Corse, le Père Gaston Pietri, membre de l’association Amitié judéo-chrétienne, a fait part de son inquiétude et de son émotion par rapport à l’embrasement du conflit, et aux nombreux morts et blessés déjà dénombrés. A l’instar du Vatican, qui a publié sur son site le témoignage du curé de Gaza, il s’avoue très préoccupé par la situation dans l’enclave, où une guerre semble imminente.
Le statut de Jérusalem-Est
Ce n’est pas à Gaza, mais à Jérusalem-Est, que les troubles ont débuté et sont montés en puissance, à partir du 3 mai. Ils ont eu pour origine les interdictions d’accès à certains secteurs de la Ville Sainte, imposées aux Palestiniens par les Autorités israéliennes, et la menace d’expulsion de familles palestiniennes d’un quartier situé dans cette partie orientale de la Cité mythique, annexée par Israël en 1967. L’Onu n’a jamais reconnu pour sa part ce qu’elle considère comme une « Occupation illégale » au regard du Droit international. L’Etat hébreu revendique quant à lui Jérusalem comme sa « Capitale indivisible ».
La « Journée de Jérusalem », fixée du 9 au 10 mai, et jour férié en Israël, commémore justement la réunification de la ville, reprise entièrement aux Palestiniens lors de la guerre des Six Jours, en 1967. Cette année, c’est d’ailleurs à cette date anniversaire que la situation, très tendue à Jérusalem depuis plusieurs jours, a dégénéré.
Le 10 mai, jour de l’annexion de 1967
Suite à des affrontements qui ont fait de nombreux blessés, notamment sur l’Esplanade des Mosquées, l’un des lieux Saints de l’Islam, le Hamas a lancé, depuis l’enclave de Gaza, une pluie de roquettes sur différentes villes israéliennes. Elles ont été interceptées pour la plupart par le bouclier anti-missile de l’Etat hébreu. En revanche, c’est un déluge de feu qui est tombé sur l’enclave palestinienne depuis quatre jours. Les raids qui se succèdent ont été à l’origine de la totalité des morts survenus à Gaza, dans la ville elle-même comme dans l’ensemble de ce territoire palestinien enclavé, situé au Sud d’Israël. En plus des 120 morts, parmi lesquels 30 enfants, 630 blessés sont dénombrés, dont 150 enfants.La zone appelée « la Bande de Gaza », où vivent près de 2 millions d’habitants, est soumise à un Blocus depuis 2007 et trois guerres y ont déjà eu lieu, la dernière en 2014. Elle avait fait près de 2500 morts côté palestinien et 73 dans les rangs de l’Armée israélienne, dont 67 soldats. La 4e semble en train de s’enclencher. Dans la nuit du 13 au 14 mai, l’Armée israélienne a annoncé puis démenti, l’entrée de ses troupes sur le territoire de l’enclave autour duquel elles sont déjà massées.
Cette zone est gouvernée par le Hamas, le rival du Fatah, Mouvement laïc qui dirige « l’Autorité Palestinienne »(A.P). C’est l’AP qui, depuis les Accord d’Oslo, détient le pouvoir – sous le contrôle toutefois étroit des Autorités israéliennes – sur le reste des territoires palestiniens, c’est-à-dire la Cisjordanie et Jérusalem-Est. À Gaza, elle a été supplantée par le Hamas depuis 2007.
Le 14 mai, une date doublement symbolique
L’embrasement qui culmine ce 14 mai, renvoie à une date doublement symbolique. Pour les Israéliens, c’est le jour anniversaire de la fondation de leur Etat. Pour les Palestiniens, c’est un jour noir, qui renvoie à la « Nakba », un mot qui signifie le désastre, la catastrophe. Il signe la fin de la Palestine comme entité historique, au nom et territoire jusque-là officiellement reconnus par les derniers Pouvoirs qui y ont assis leur domination : l’Empire Ottoman puis le pouvoir britannique. C’est Londres en effet qui avait obtenu un Mandat de la Sdn – l’ancêtre de l’Onu – sur les lieux, aux lendemains de 14-18, où l’Empire ottoman, allié à l’Allemagne lors de cette guerre mondiale, a été démembré.
Une tragédie pour les deux camps, mais deux vainqueurs
Compte tenu de la chronologie dans laquelle s’inscrivent les dramatiques évènements d’aujourd’hui, à la lourde charge mémorielle, deux vainqueurs, si on peut les appeler ainsi, émergent. Côté Palestinien, c’est le Hamas qui finit de s’imposer, face à Mahmmoud Abbas, le Président de L’autorité Palestinienne, comme le grand défenseur de « la Jérusalem arabe » et d’une Palestine toujours non reconnue, depuis les Accords d’Oslo., en 1993.
Dans le camp israélien, c’est Netanyahu qui, s’extirpant de ses actuels procès en corruption, se présente aux yeux de l’opinion publique israélienne la plus hostile aux Palestiniens comme le défenseur de « la Jérusalem juive » et d’un « Etat hébreu » n’acceptant aucune remise en cause de son autorité et de sa volonté d’expansion à Jérusalem-Est et en Cisjordanie, qu’il refuse d’appeler autrement que Judée-Samarie. Les nombreuses implantations israéliennes en cours dans les territoires occupés rendent de fait déjà impossible la construction d’un Etat palestinien prévu par les Accords d’Oslo à la fin du processus de paix, interrompu lui-même d’ailleurs depuis plusieurs années.
La faillite de la Communauté internationale
Face à l’escalade militaire mais aussi aux troubles civils, qui sont en train d’embraser toute la contrée, bien au-delà de Gaza, l’Onu, l’UE et les Etats-Unis se sont avérés incapables, durant des jours, de faire entendre leurs voix, au-delà de bien dérisoires appels au calme.
Mercredi 12 mai, le Conseil de Sécurité de l’ONU n’est pas parvenu à signer une résolution commune, jugée par les Etats-Unis « contre-productive »… Quatre membres du Conseil de Sécurité, la Norvège, l’Estonie, la Finlande et la France, ont pour le coup publié un communiqué en leur nom. Le texte déplore les morts des deux camps, mais appelle Israël à « cesser les activités de colonisation, les démolitions et les expulsions à Jérusalem-Est », rappelant ainsi l’origine de l’embrasement.
De son côté, la Russie a appelé à une réunion d’urgence du « Quartet sur le Proche-Orient », créé en 2002 et composé, en dehors de Moscou, de l’UE, de l’Onu et des Etats-Unis. Il a pour objectif d’assurer une médiation pour le processus de paix israélo-palestinien, totalement au point mort aujourd’hui.
Biden, après Trump…
L’une des voix les plus attendues, sur la scène internationale, était celle du nouveau Président des Etats-Unis. Elle était d’autant guettée par rapport à son éventuelle rupture, par rapport à la ligne politique de son prédécesseur, Donald Trump, lié à la droite israélienne dure, incarnée par Netanyahou. De fait, Joe Biden a observé … un très prudent retrait.
Le successeur de Trump n’a pas réagi avant le 12 mai, où il a eu un entretien téléphonique avec Netanyahou, exhortant à la désescalade mais évoquant en priorité « le droit d’Israël à se défendre ». Fait symbolique ou pas, ce n’est pas le Président, mais le Secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, qui a été chargé de contacter le Président de l’Autorité Palestinienne…
A l’issue de ses échanges, Washington a annoncé l’envoi d’un émissaire en Israël et dans les Territoires Palestiniens. Jusque-là, le successeur de Donald Trump avait nommé des émissaires dans divers « points chauds » du globe, mais pas au Moyen-Orient, qu’il n’avait pas défini comme l’une de ses priorités, contrairement à ses prédécesseurs. Le dossier explosif du conflit israélo-palestinien vient de le rattraper.
Echos corses
Dans l’île, les évènements génèrent des réactions contradictoires. Sur les réseaux sociaux, c’est un soutien à Israël qui semble prédominer. En revanche, par écrit et sur le terrain, la seule mobilisation qui a eu lieu pour l’heure a émané, à Aiacciu, le 12 mai, d’associations pro-palestiniennes dénonçant les victimes civiles à Gaza et la politique d’apartheid menée par l’Etat hébreu contre une Palestine toujours privée d’Etat.
Edmond Simeoni faisait partie de l’Association Corsica Terra Eretz. Il était toutefois favorable à la fondation d’un Etat palestinien et dénonçait le blocus de Gaza. En 2017, l’ambassadeur de Palestine en France a été reçu officiellement à l’Assemblée de Corse par les élus nationalistes.
Plusieurs créations insulaires, écrites ou musicales, évoquent le conflit israélo-palestinien.
A l’heure du 73e anniversaire de la fondation d’Israël, les craintes d’une nouvelle escalade, avec une autre guerre à Gaza et une 3e Intifada, dans le reste de la contrée, se profilent, avec les suites dramatiques que ces évènements pourraient avoir sur la scène internationale.