Liste Orsucci : « Corsica, terra di primura »

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« Corsica, terra di primura »/ « Corse terre de progrès » : c’est le nom de la liste conduite par le maire de Bunifaziu Jean-Charles Orsucci, élu d’opposition à l’Assemblée de Corse. Elle a été déposée en Préfecture sous son seul intitulé en français et initialement présentée ainsi à la presse. Elle a été, de l’ aveu de son chef de file lui-même, difficile à constituer, en raison de diverses pressions et embûches. Elle est à maints égards très différente de la liste qu’il avait conduit lors des dernières élections territoriales.

Interview de Jean-Charles Orsucci,
réalisée par PG. POGGIOLI

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La différence, avec la liste présentée en 2017, s’affiche déjà dans la valse-hésitation concernant son nom, initialement présenté à la presse en français, avant de prendre, plusieurs jours plus tard une forme bilingue, mettant en exergue le corse, avec une imprécision importante et significative : a « primura » ce n’est pas le « progrès », qui a un sens particulier dans la terminologie politique. Cette hésitation quant à la langue utilisée et la version finalement adoptée renvoient à un tournant par rapport au choix monolinguistique corse qui avait été celui d’Andà per Dumane. La différence n’est certainement pas anecdotique, vu l’importance de la question linguistique et culturelle dans l’île. Le fait semble témoigner d’une volonté de se différencier,  par rapport à la place centrale donnée par les autres listes à la langue corse,  un choix  reflétant l’emprise du discours identitaire sur la scène politique insulaire depuis ces dernières années. 

Aujourd’hui en effet, même les forces politiques longtemps opposées à la revendication linguistique, de la droite à la gauche communiste, ont choisi des noms corses pour leurs listes. Le seul qui ne l’a pas fait est François Filoni, dont la liste, « Les nôtres plutôt que les autres » a reçu l’investiture du RN de Marine le Pen: le choix de la langue utilisée semble logique, vu le nationalisme français de cette formation.

En revanche, l’abandon total du Corse pour le nom de la liste Orsucci était plus surprenant,  s’il s’était maintenu comme annoncé. La rupture instituée  avec la couleur monolingue corse de l’intitulé Andà per dumane en 2017 semble traduire la volonté d’un repositionnement plus net, face au camp nationaliste, au travers d’un des marqueurs les plus forts: le fait linguistique. 

Le choix d’abord annoncé d’un nom uniquement en langue française, et déposé ainsi à la Préfecture,  puis le bilinguisme finalement affiché, témoignent des pesanteurs, au sujet de la langue corse, nées de la longue hostilité par rapport à la revendication « identitaire », qui a été historiquement l’adn d’une frange du courant longtemps très puissant dans le monde politique corse et la gauche claniste, le mouvement Radical, sur lequel s’appuie aujourd’hui Orsucci, en particulier son aile bastiaise incarnée par Emile Zuccarelli. L’ancien maire de Bastia a d’ailleurs apporté son soutien à la liste de Jean-Charles Orsucci. Jean Zuccarelli, son fils, qui la soutient lui aussi, avait quant à lui souligné qu’elle portait les espoirs d’une reconstruction d’une famille politique « qui ne se reconnait ni dans la droite libérale ni dans le Nationalisme ».

Toutefois, comme son père, Jean Zuccarelli s’en est tenu au « service minimum »: il n’est pas présent parmi les colistiers d’Orsucci. En revanche, trois membres du mouvement radical dans le nord de l’île, outre ceux du sud, les ont rejoints : Hélène Salge, Jean-François Paoli et Juliette Dominici. En dehors d’eux, aucune figure historique des sphères radicales ou socialistes de Haute Corse n’a rallié « Corsica terra di primura/ Corse, terre de progrès« .

Le visage le plus marquant qui émerge dans le Nord de l’île, parmi les colistiers d’Orsucci, est celui de Séverin Medori, maire de Linguizzetta, très engagé dans la lutte contre l’emprise mafieuse.

Hélène Salge, Jean-François Paoli, Juliette Dominici et Séverin Medori.
Par ailleurs, une absence remarquée se fait jour sur la liste Orsucci : celle de tous les autres membres de son précédent groupe à l’Assemblée de Corse, en dehors de Marie-Hélène Padovani! Deux ont rejoint des listes concurrentes, deux autres ne souhaitent pas être candidats pour des raisons personnelles. Des défections soulignant la voie étroite dans laquelle est engagé Jean-Charles Orsucci, écrasé entre la force de l’ancrage nationaliste et le « souffle nouveau » que Laurent Marcangeli semble incarner pour une droite réunifiée.

La tête d’affiche de Corse Terre de progrès peut toutefois compter sur un soutien de poids: celui de La République en Marche. Marlène Schiappa avait matérialisé ce fait lors d’une visite à Bunifaziu, début avril. Elle avait présenté publiquement le maire de la ville comme « le chef de file de LREM pour les élections territoriales ». 

Le tir de barrage qu’il dit avoir essuyé de la part de ceux qui auraient tenté de le déstabiliser pour empêcher la constitution de sa liste souligne un fait marquant: le soutien qu’il a reçu des  sphères du pouvoir, a rendu encore plus difficile son entreprise! C’est ce qui explique pourquoi Jean-Charles Orsucci n’a pas voulu avoir l’investiture officielle de La République en marche. Le soutien qu’il a en revanche accepté publiquement de cette formation, et donc du Gouvernement, rend pour le moins contestable la présentation faite par certains de sa liste comme étant « de gauche »!

  • La liste Corse, terre de progrès 

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