Depuis le début de la campagne des Terrritoriales, Laurent Marcangeli a poursuivi tambour battant l’objectif qu’il s’est fixé avec sa liste, intitulée un soffiu novu: réunifier la Droite et capter une partie du centre-gauche, pour se positionner en principale alternative à la Majorité sortante. Le sondage Ipsos du début juin le situe à 23% des intentions de vote, juste deux points derrière Gilles Simeoni.
Au-delà des moyens considérables que lui offre sa position de maire de la capitale administrative et « territoriale » de la Corse, qui a en outre la haute main sur la Capa, Laurent Marcangeli bénéficie d’un contexte politique particulièrement favorable: la désunion nationaliste d’une part, les contradictions de la liste d’opposition Orsucci d’autre part, piégé entre le soutien que lui a manifesté le Gouvernement et les pesanteurs induites par les appuis qu’il a recherchés dans une frange très jacobine du clan de gauche corse. Marcangeli qui lui dispute, avec beaucoup plus d’espace politique en sa faveur, le statut de leader de l’Opposition, n’a pas été freiné par de telles entraves. Le maire d’Ajaccio a pu ainsi attirer un électorat hostile à la politique du Gouvernement actuel, ainsi qu’à celle menée par la majorité territoriale. C’est le cas notamment des tenants du MCD, Mouvement Corse Démocrate, de François Tatti, une aile du centre-gauche bastiais, qui s’est ralliée au Maire d’Aiacciu.
Cette expansion du Maire d’Aiacciu en Haute Corse et dans une partie du champ anciennement constitutif du « clan de gauche » est historique et signe l’implosion ultime de ce camp, amorcée depuis 2015. Elle se manifeste aujourd’hui sur le terrain par l’accueil chaleureux reçu par Marcangeli à Bastia, une place-forte du vieux « Partitu Biancu« , laïc et Républicain, si longtemps opposé, depuis le début du XXe siècle, au « Partitu Neru« , la Droite corse, anciennement cléricale et en grande partie… bonapartiste.
Au-delà d’une aile du Clan de gauche, à Bastia, Laurent Marcangeli entend aussi rassembler, dans cette ville comme dans différents lieux, du Nord au Sud de l’île, des soutiens de divers horizons qui sont favorables à une véritable « décentralisation » intérieure de la Corse, censée être mise en oeuvre, via les Intercommunalités et l’actuelle « Chambre des Territoires », voulue par les Nationalistes et présentée par le maire d’Aiacciu comme » un gadget ». Sa volonté de « retrouver une garantie de représentativité des bassins de vie dans la gouvernance de l’institution », y compris en modifiant le mode de scrutin à l’Assemblée de Corse, est un choix qui peut avoir de nombreux échos, au-delà des chapelles idéologiques.
Outre des points pouvant faire largement consensus, Laurent Marcangeli monte au créneau sur un terrain plus connoté à droite et plus miné: contre le Padduc qu’il souhaite remettre en cause, au motif qu’il empêcherait de nombreux maires d’élaborer leur PLU. Un détricotage de ce document, alors que la spéculation immobilière bat déjà son plein malgré lui, s’avère sans doute la partie la plus sujette à caution du programme de la liste Un soffiu novu, pour ses adversaires de divers horizons.
Force est de reconnaître que la politique préconisée dans le domaine environnemental, comme dans d »autres champs, par la liste Marcangeli a au moins un mérite: elle affiche clairement, contrairement à d’autres candidats, les couleurs de son camp. Ce sont celles d’une droite ultra-libérale.
Un dialogue avec l’Etat
Le maire d’Aiacciu milite par ailleurs pour un plan de relance économique avec l’Etat, qu’il accuse la Majorité sortante de n’avoir pas su conclure. Il pointe également du doigt ce qu’il considère comme les points noirs de la gestion nationaliste de ces deux dernières mandatures, notamment le dossier des déchets, qu’il identifie comme l’un de ses échecs le plus patent. Il prône par ailleurs la restauration d’un véritable « dialogue avec l’Etat » rappelant son opposition au discours nationaliste, qu’il se garde d’attaquer de front. Si Gilles Simeoni avait identifié la liste de droite comme son ennemi principal, Laurent Marcangeli rétorque pour sa part qu’ « il n’a qu’un seul adversaire, l’échec de la Corse », même s’il réserve au Président de l’Exécutif sortant ses pointes les plus acérées, le présentant comme « l’héritier d’une dynastie » et l’édificateur d’un « système claniste et clientéliste »…
Au second tour
En ce qui concerne le second tour, le maire d’Aiacciu affirme qu’il n’aurait pas encore amorcé de discussions avec d’éventuels partenaires…Sa liste est en tout cas perçue par de nombreux observateurs comme la seule pouvant faire de l’ombre à celle de Gilles Simeoni.Toutefois, au soir du premier tour, le Président de l’Exécutif sortant pourrait compter, grâce aux autres formations nationalistes, des alliés plus « naturels » et représentant a priori un plus grand nombre de votants que n’en compteront ceux de Laurent Marcangeli. Il pourrait du moins en être ainsi si les nationalistes parviennent à surmonter leurs divergences, ce qui n’est pas gagné. Le maire d’Aiacciu entend bien, en tout cas, briser l’image d’ « imbattable », trop complaisamment présentée à son avis de Gilles Simeoni.