Hà appruntatu u deputatu un prughjettu di legi da luttà contru à a speculazioni fundaria è immubiliari. Ma hà da bastà ? In una longa interview, Jean-Felix Acquaviva rispondi francu è chjaru à i nosci dumandi, è ci dà u so parè in quantu à a situazioni, è l’evoluzioni da vena…
Entretien en français
Dans un document communiqué intitulé « vaincre la spéculation immobilière », rédigé par Me Martin Tomasi, avocat proche du Levante, 20 000 meublés de tourisme sont évoqués, rien que pour la seule micro-région porto-vecchiaise. Que faire ? Surtaxer ces logements ? Impossible à Porto-Vecchio, alors que cela se fait à Bastia par exemple… Votre proposition de loi permettrait-elle d’y remédier ?
Tout à fait. L’idée c’est de pouvoir surtaxer les résidences secondaires. Cette surtaxe n’est possible, du fait d’un décret de mai 2013, que dans les agglomérations d’au moins 40000 habitants, c’est-à-dire en Corse la CAPA et la CAB. Autrement dit, cela exclut de nombreuses zones « tendues », qui sont pourtant sujettes à une forte spéculation foncière et immobilière et à un fort taux de résidences secondaires. L’Extrême-Sud et la Balagna sont exclues de ce dispositif, comme d’ailleurs d’autres zones, dans les Alpes, au Pays-Basque ou en Bretagne, qui réclameraient elles aussi cette surtaxe. C’est un décret qui est inadapté à la notion de zone tendue même à l’échelle de la France. Pour aller plus loin, quand on voit des villas qui se vendent cinq, dix, voir vingt millions d’euros, il faut un outil de taxes qui soit adapté à cette politique. On ne peut pas rester sur un outil normé qui soit limité à la surtaxe d’habitation de 60%, qui n’est pas suffisante pour alimenter un droit de préemption. Ce droit de préemption, comme on l’imagine, serait un bras régulateur suffisamment fort pour commencer à rééquilibrer les choses.
La part des résidences secondaires dans l’île est la plus élevée des régions métropolitaines : près de 100.000 logements (plus d’un logement sur 3, à titre comparatif la moyenne nationale est inférieure à 10 %, 18 % pour la région PACA). Sur ces 100 000 logements, un tiers seulement appartiendrait à des résidents corses. Au sein même de votre Mouvement, la lutte contre le développement de ces résidences secondaires et la spéculation induite semble être une priorité. Comment endiguer ce phénomène ? Avez-vous un plan ?
Evidemment, cette proposition de loi ne vaut que dans un temps court, en attendant la réforme de la Constitution qui doit parachever le système. C’est un moyen de mettre un coup de pied dans la porte, pour avoir des outils de régulation suffisamment forts, et ainsi commencer à freiner et rééquilibrer un phénomène qui devient exponentiel et qui échappent à tout contrôle. Aujourd’hui on doit avoir une réponse rapide. C’est dans ce cadre-là que l’on fait une proposition au gouvernement. Une proposition de compromis, mais on ne cédera pas sur l’essentiel, parce qu’il y a urgence. Ça a fait bouger les lignes au sein-même de l’hémicycle puisque beaucoup de députés d’autres groupes nous ont suivis en Commission des lois : des députés de l’UDI, du Modem, du Parti socialiste, du Parti communiste, de la France insoumise, et aussi quelques députés En marche ! Donc ça a quand même permis transversalement d’avoir une convergence sur une proposition, y compris pour éclairer d’autres territoires qui sont sujets à une tendance lourde. La Corse, en termes d’intensité est hors-catégorie : quand on cumule le taux de croissance des prix, qui est de +138% sur le foncier bâti, avec le pouvoir d’achat des corses qui est inférieur à la moyenne française, le taux de logements sociaux qui est inférieur à la moyenne française, et la rareté foncière liée à l’île-montagne, la Corse atteint une situation d’intensité qui n’a pas d’équivalent sur les territoires français. Nous ne souhaitons pas que les autres territoires atteignent notre intensité de problématique, c’est pour cela que si notre exemple peut servir ailleurs, nous sommes tout à fait heureux, mais ce n’est pas parce qu’ailleurs il n’y a pas de réponse qu’on ne doit pas en trouver une tout de suite en Corse. C’est l’argumentaire que l’on donne au Gouvernement. Evidemment il faut une réforme constitutionnelle, on ne peut pas se satisfaire simplement de la loi, mais c’est un premier pas.
Un dispositif fiscal ayant joué un rôle considérable : le Crédit d’impôt Corse. En 2017, 5274 entreprises en ont bénéficié, ce qui a représenté 52 millions d’euros de déductions fiscales, tous secteurs confondus. Nul doute que la parahôtellerie et les meublés de tourisme en ont largement profité. Depuis 2019, un amendement que vous avez déposé en a limité l’usage, en excluant les meublés de tourisme du dispositif, mais de nombreuses failles juridiques persistent, concernant par exemple les chambres d’hôtes ou les résidences de tourisme classées. N’aurait-il pas fallu exclure aussi tout le secteur de la parahôtellerie ?
Déjà, « il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ». Ce Crédit d’impôt permet de pallier en partie au manque de soutien des banques dans les crédits aux entreprises, ce qui est un problème structurel dans l’île en ce qui concerne l’investissement dans l’appareil productif. Je pense au secteur agroalimentaire, à la production de biens et services en général, mais aussi aujourd’hui aux établissements de santé, grâce à l’élargissement que l’on a obtenu dans la loi. Par ailleurs, il est évident que le crédit d’investissement sur les activités de meublés de tourisme a été détourné de son objectif initial. C’est cela que nous avons dénoncé en sortant du dispositif en 2019. Nous avons été soutenus, l’amendement a été adopté. Bien sûr, il a fallu ensuite cadrer les choses, pour éviter que des Corses ne subissent trop le phénomène, puisque malheureusement nous n’avons pas de statut de résident pour distinguer les meublés de tourisme appartenant à des Corses, de ceux dont les propriétaires sont étrangers à l’île. La réforme de la Constitution est sur ce point nécessaire. Néanmoins, nous avons pu faire en sorte que, dans le bulletin officiel des finances publiques, édité par Bercy, il y ait un cadrage, afin que ne puissent bénéficier de ce crédit d’impôt que des structures qui ont une logique de professionnalisation, ce qui suppose en plus du lit à louer, des prestations qui se rapprochent de l’hôtellerie professionnel (petits-déjeuners, blanchisserie, etc. ndlr). Même si cela ne résout pas l’ensemble de la problématique, ça réduit le champ du phénomène spéculatif, parce que l’intérêt de ce crédit pour les spéculateurs c’était la facilité et la fluidité. Il suffisait d’acheter et de mettre le bien sur AirBnB, ce n’est plus le cas désormais.
Il existe de nombreux autres dispositifs qui ont participé à cette recrudescence des résidences secondaires : la Loi Pinel, les aides fiscales et financières issues du Grenelle de l’Environnement, le Crédit d’impôt prêt à taux zéro renforcé (PTZ+), les frais de notaire réduits en cas d’acquisition dans le neuf, et bien d’autres… Ces dispositifs qui avaient pour but initial de fabriquer du logement locatif ont eu dans l’île des conséquences dramatiques. Les prix flambent sous l’effet d’une demande extérieure insatiable (+ 138 % entre 2010 et 2017, selon un rapport de l’Agence de l’urbanisme), ce qui rend l’accession à la propriété des Corses de plus en plus difficile. Impossible il semblerait de faire marche arrière… N’est-il pas déjà trop tard ?
Je pense qu’il n’est jamais trop tard, parce qu’il y a quand même une conscience politique et démocratique forte dans l’île Il suffit de voir les réactions à nos interventions politiques à l’Assemblée nationale sur ce sujet, et ailleurs. Il suffit de voir l’appétence des jeunes à vouloir se battre pour se rendre compte qu’il n’est pas trop tard. Je crois que s’il avait été trop tard dans les années 70 pour le Riacquistu, alors que la langue et le chant se mourraient, on n’en serait pas là. Je préfère voir le verre à moitié plein qu’à moitié vide. On est toujours à temps de changer les choses, c’est une course contre la montre, mais on a quand même des atouts. Cette bulle spéculative crée une réaction démocratique en Corse mais aussi ailleurs. Les spéculations foncière et immobilière sont des sujets de tensions dans le débat français, comme dans le débat européen. Ces éléments-là créent un contexte de combat politique favorable. Cela ne veut pas dire que ça va être simple mais ces sujets-là, quand bien même le Gouvernement voudrait les éviter, en Corse comme ailleurs, doivent faire l’objet de réponses. On nous dit souvent « vous avez raison, votre diagnostic est bon, on va vous faire des propositions », le problème c’est que ces propositions de la part du Gouvernement, on les attend toujours… On est dans un cheminement où il faut avoir conscience que le foncier, la terre, c’est la base de tout. Je crois que c’est un combat qu’il faut mener dans toutes ses dimensions, et qu’il faut avoir bon espoir dans cette capacité à faire converger toutes les forces qui veulent que ça change.
Une accession à la propriété de plus en plus compliquée pour les Corses, alors que paradoxalement, plus ça va plus on construit ! En 2016, il y a eu dans l’île une hausse de 22 % des constructions, mais l’augmentation la plus alarmante est celle des permis de construire : + 102 % ! La Région ne peut-elle rien faire pour ralentir ce rythme de construction effréné ?
La Région peut aider à construire intelligemment. Le dispositif Una Casa pè tutti, una casa per ognunu, permet aux communes d’avoir des aides importantes si elles créent de l’allotissement pour l’accession à la propriété ou du logement à vendre à des résidents issus de la commune ou l’intercommunalité. C’est le paradoxe du statut de résident, qui est interdit à l’échelle de la Corse, mais accepté à l’échelle de la commune ou de l’intercommunalité, par le biais d’un jury qui identifie ce que l’on entend par « issu de ». C’est un moyen de contourner l’obstacle. La CDC a un produit ce dispositif pour venir en aide aux communes mais aussi aux ayants-droits, qui ont jusqu’à 27000€ d’aides publiques lorsqu’ils répondent aux critères. Les demandes sont de plus en plus nombreuses. Il faut maintenant un autre dispositif à côté qui régule le phénomène de la spéculation et sa croissance exponentielle, parce que si la croissance de la spéculation et celle du prix vont plus vite que la croissance des projets et des deniers publics actuels de la Collectivité, il est évident que l’on aura quand même une distorsion importante… En attendant une évolution législative qui est absolument nécessaire.
La Corse est l’une des régions les plus pauvres de France. Dans une île qui connaît un apport migratoire constant estimé à plusieurs milliers de personnes chaque année, et où le solde naturel est désormais négatif, il semble, pour paraphraser Me Tomasi, qu’une mécanique implacable de dépossession foncière est en marche. Ce processus atteindra son paroxysme en 2027, lorsque prendra fin le régime fiscal dérogatoire en matière de succession : rares seront alors les familles corses à pouvoir s’acquitter de l’impôt sans avoir à vendre leurs biens. Une course contre la montre semble donc avoir démarré. Peut-on réellement être optimistes quant à l’avenir ?
Optimiste, si l’on se situe par rapport aux forces politiques, humaines, démocratiques, associatives, syndicales et économiques, qui ont bien compris que maîtriser le foncier c’est maîtriser le devenir humain des familles corses sur leurs terres, mais aussi le devenir du développement économique, oui ! Maintenant, si on se laisse aller à ne regarder que le phénomène de croissance des prix, c’est évident que l’urgence est là. « U bisognu hè à mezu à a casa », et le pire peut être à venir. Je crois qu’il faut se poser la question du combat politique à mener sous tous ces aspects, dans toutes ses dimensions, et mettre en œuvre la convergence la plus large possible. Non pas un consensualisme mou sur le sujet parce qu’on ne peut pas se le permettre, mais quelque chose qui ait du sens. Il suffit de voir les déceptions issues de la COP26 qui se manifestent partout ! Il y a des forces politiques à mettre en mouvement dans un contexte corse, français, européen, où le développement durable, le changement climatique, la nécessité de construire mieux, de se loger mieux, sont des préoccupations partagées.
L'Autori
PG. POGGIOLI
administrator
Ghjurnalista bislingui, furmatu in RCFM è à l’ESJ PRO.
Cofounder di Corsica.news è Allindì SVOD.