PAYS BASQUE : mobilisation pour les prisonniers d’ETA

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2018-04-21, Bilbo. Kalera Kalera ekimenak deuitutako manifestazioa presoen alde "Bada Garaia presoak kalera" lemapean. Irudian manifestazioa

Cinq ans après l’adieu aux armes de l’ETA, plus de 200 militants et militantes sont encore incarcérés, en Espagne et en France. Certains sont détenus depuis trente ans. Des mobilisations en leur faveur se sont multipliées ces dernières semaines au Pays Basque Nord. Cette Actualité a des échos en Corse, marquée elle aussi par le dossier des prisonniers liés à l’histoire de la lutte nationaliste clandestine.


La question des prisonniers de l’Eta n’est toujours pas réglée depuis l’arrêt des attentats de cette organisation clandestine, en 2011, dans le cadre d’un processus de paix qui s’est achevé par l’abandon officiel de la lutte armée en 2017 et la dissolution de l’ETA l’année suivante.

Processus de paix de l’Eta, non suivi d’effets, côté Etat !

Outre le maintien en détention de nombreux militants, ils ne bénéficient que de façon très incomplète d’un rapprochement avec leurs familles, dans des prisons localisées au Pays basque ou à proximité. D’après les derniers recensements, en avril 2021, une quarantaine -près d’un quart- étaient toujours incarcérés loin de chez eux, notamment au Sud de l’Espagne, dans la région parisienne ou au Nord-ouest de l’Hexagone. En outre, ceux qui ont été libérés sont toujours soumis à un régime de contrôle judiciaire strict, assignés à résidence et même interdits de séjour, pour certains, dans leur région ou leur lieu d’origine. Par ailleurs, en l’absence d’une loi d’Amnistie, plusieurs centaines de militants toujours poursuivis par la justice, vivent encore en exil, en Europe, en Amérique du Sud et en Afrique. 

Parmi les prisonniers, la plupart purge de lourdes peines, dont certains depuis trente ans ! 70 d’entre eux étaient éligibles à des libérations conditionnelles en 2020, mais elles n’ont pas eu lieu. Ce n’est qu’au compte-goutte que les portes des prisons s’ouvrent, et quasiment en fin de peine. Même les détenus gravement malades, qui selon la loi espagnole comme française devraient pouvoir bénéficier de mesures d’élargissement, restent incarcérés. 17 sont dans cette situation, selon les derniers chiffres fournis par les sites spécialisés. Ils ont été exclus de la vague de libérations promulguées, en Espagne et en France, dans le cadre des mesures sanitaires liées à la Covid. Les restrictions concernant les visites au parloir, à cause de la pandémie, ont encore accentué leur isolement.

Des banderoles sur les sommets des montagnes basques !

Devant ce que bien des Basques voient comme un déni de justice, des deux côtés des Pyrénées, la mobilisation a repris vigueur sur la question des prisonniers, ainsi que sur les exilés et les mesures d’exception visant les anciens détenus. Au Pays basque Nord, la dernière initiative en date a été spectaculaire : elle a vu, ce début mai, un millier de personnes faire l’ascension de plusieurs célèbres sommets de cette contrée montagneuse pour y déployer des banderoles  sur le sujet.

Des libérations au compte-goutte

La nouvelle vague des mobilisations semble avoir contribué à faire bouger les lignes, depuis 2020. C’est depuis cette date que la majeure partie des rapprochements – 120 sur 152 – ont été opérés, pour des militants du Nord et du Sud du Pays basque. Plusieurs interdictions de séjour ont été levées. Les libérations sont en revanche beaucoup plus rares. L’une des dernières, fin avril 2021, a concerné une femme, Lorenxa Beyrie, 46 ans, mais elle avait purgé la totalité de sa peine : 20 ans… Toutes ses demandes de libération conditionnelle avaient été refusées.

Malgré les mesures sanitaires entravant les rassemblements, près d’un demi-millier de personnes étaient venues l’attendre ! La réception organisée pour son retour, le 1er mai, était soutenue par la municipalité de sa ville natale, Cambo-les-Bains. Originaire du Pays basque nord, elle était incarcérée en France, à Roanne (Loire), à plus de 840 km de chez elle.

Une des codétenues de Lorenxa Beyrie, à Roanne, y est toujours incarcérée, avec sa petite fille de 7 mois. Trois autres femmes basques ayant des enfants en bas-âge sont emprisonnées dans l’Hexagone, parmi la vingtaine de détenus de même origine, recensés en France au printemps 2021.

De l’Euzkadi à la Corse

L’autre territoire concerné par le même sujet que le Pays basque au vu de son histoire politique et judiciaire, c’est la Corse. La clandestinité y ayant été plus récente, moins violente, et la population insulaire étant bien moins nombreuse, les chiffres ne sont pas du même ordre, mais une même réalité s’y dessine. Bien que la lutte armée y ait pris fin en 2014 et que l’organisation qui la représentait ait officiellement prononcé sa dissolution, des militants condamnés pour des attentats, une dizaine à ce jour, sont toujours incarcérés.

Trois d’entre eux, condamnés dans le cadre de l’Affaire Erignac, purgent de très lourdes peines : Yvan Colonna, depuis 18 ans, Pierre Alessandri et Alain Ferrandi depuis 22 ans. Eligibles à la libération conditionnelle depuis quatre ans pour les deux derniers, leurs demandes sont rejetées et leur rapprochement, dans une prison corse, refusés également. La situation a provoqué l’occupation de la Préfecture d’Aiacciu le 22 février par une vingtaine de jeunes militants, dont le fils d’Alain Ferrandi. Elle a donné lieu dans l’heure qui a suivi à une violente intervention des forces de l’ordre, occasionnant plusieurs blessés parmi les occupants, venus sans armes pour demander à être reçus par le Préfet et qui avaient déployé des banderoles sur la façade de l’édifice.

Si l’éloignement des prisonniers est problématique aussi pour les détenus basques, et a de fait généré au cours de ces dernières décennies, 400 accidents de la route ayant occasionné des blessures graves à des familles se rendant au parloir, à des milliers de km de chez eux, le problème prend en Corse une dimension spécifique, par rapport à l’insularité et aux frais plus lourds liés aux déplacements vers l’Hexagone. Bien des familles de prisonniers, pour la plupart de milieux modestes, ne peuvent aller voir les leurs que beaucoup plus rarement qu’elles ne le voudraient.

Trente ans de captivité pour les plus anciens détenus basques, 24 pour un Corse

Si les plus plus longues détentions des Basques sont de trente ans, c’est Carulu Santoni qui est le militant corse à avoir passé le plus de temps en prison : libéré en 2019, il est resté 24 ans en captivité. Il n’a bénéficié d’aucune permission ni remise de peine, mais il n’en avait quant à lui même pas demandé.

Le Fijait, des Djihadistes aux Basques et aux Corses…

Au Pays basque, comme en Corse, de nombreux anciens détenus sont soumis à un contrôle judiciaire strict et inscrits au Fijait, le fichier recensant les condamnés relevant de la juridiction antiterroriste. Il court sur 20 ans, les obligations qui lui sont liées sur 10. Il a été créé en 2015, dans le contexte des attentats islamistes, quatre ans donc après l’arrêt des attentats de l’Eta au Pays basque, et un an après l’abandon officiel de la lutte armée en Corse par le FLNC. Dans l’île, une quarantaine d’anciens détenus sont concernés par le Fijait.

Dans les sphères judiciaires et policières elles-mêmes, certains jugent – off – sans intérêt véritable  l’inscription au Fijait des anciens détenus Basques et Corses. Pour certains membres des forces de l’ordre, elles occasionneraient même une surcharge de travail malvenue, eu égard à l’ampleur que la question revêt par rapport au terrorisme djihadiste.

En 2019, Marc Clément, un Corse condamné en 2012 pour un attentat ayant eu lieu donc avant l’adieu aux armes du Flnc, a d’ailleurs été retiré du Fijait, preuve, selon certains, que même certains magistrats font la différence entre les membres des anciennes organisations clandestines nationalistes et les auteurs d’attentats djihadistes. Et pour cause : alors que le terrorisme islamiste est en plein essor, pour les insulaires comme pour les Basques, les attentats appartiennent au passé. Le Fijait paraît donc à certains d’autant plus obsolète pour eux.

 Les Corses sont très attentifs à la situation des détenus basques, et solidaires. Les cas des prisonniers et des anciens détenus d’Euzkadi sont régulièrement évoqués sur les sites d’informations nationalistes insulaires dédiés aux questions judiciaires concernant les militants condamnés pour des attentats et actions clandestines. Ils ont été notamment mis en exergue lors des mobilisations opérées dans l’île le 17 avril, Journée Internationale des prisonniers politiques, par les organisations investies dans ce domaine en Corse, Sulidarità, l’Associu Patriotti et Aiutu Paisanu.

Au Pays basque Nord, la prochaine grande mobilisation prévue sur la question des prisonniers, est une Marche, le 10 juillet, entre Bayonne et Saint Jean de Luz, à 31 km. En Corse, aucune initiative n’est lancée pour l’heure.

L'Autori

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