Covid-19 : une plante à la Une

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L’armoise, appelée artemisia en corse et très présente dans l’île, est utilisée depuis des millénaires dans la médecine traditionnelle. Une variété de cette plante, l’Artemisia annua, ou absinthe chinoise, serait un remède naturel contre le Coronavirus. À l’heure de la cinquième vague et de la troisième dose, plein feu sur une plante aux vertus ancestrales qui revient au cœur de l’actualité.

Le sujet a suscité de multiples polémiques, y compris en Corse où d’autres espèces d’armoise sont connues de façon ancestrale pour soigner diverses pathologies. Comme toutes les pandémies et maladies graves, la Covid génère une innombrable production d’études scientifiques mais aussi, au-delà des thèses concernant les vaccins, d’écrits divers au sujet de remèdes possibles issus notamment de l’herboristerie et d’ordre non pharmaceutique. Cette production bénéficie aujourd’hui d’une caisse de résonance à l’ampleur démesurée avec Internet, les sites et les réseaux sociaux, qui lui assurent une audience internationale. Il en est de même pour les débats engendrés dans la communauté scientifique, le monde politique et le public, et la vente en ligne de produits censés guérir l’infection ou la prévenir, qu’il s’agisse de décoctions, tisanes ou gélules. Ceux à base d’Artemisia annua ont donné à cette plante une fulgurante notoriété.

 
Covid Organics
à Madagascar

Cette vogue est pour l’essentiel née de la médiatisation ayant concerné, après l’hydroxychloroquine controversée du Professeur Raoult, le Covid-Organics, dit CVO, mis au point par des chercheurs malgaches et présenté en avril 2020 par le Président, Andry Rajoelina, comme « un remède miracle ». Il pourrait soigner selon lui les formes légères et modérées de l’infection en sept à dix jours. Il a fait distribuer massivement à la population et dans les écoles des bouteilles de cette tisane, à base d’extraits d’armoise pour 62% de sa composition. Le CVO a ensuite été décliné en gélules préventives et un remède appelé CVO+ curatif. Ces produits, plébiscités dans plusieurs pays africains, n’ont pas empêché l’épidémie de frapper Madagascar, et le gouvernement a finalement souscrit à l’emploi des vaccins, mais du bout des lèvres, le Président refusant pour sa part de se faire vacciner…

En sens inverse, après les fortes réticences d’une grande partie de la communauté scientifique occidentale et une retentissante campagne menée contre le CVO qualifié ironiquement de « remède diplomatique et politique », l’OMS a reconnu le potentiel antiviral de l’artemisia et de grands laboratoires ont décidé d’étudier de près les données scientifiques fournies par les chercheurs malgaches. Si la boisson elle-même n’a pas convaincu l’Autorité sanitaire, celle-ci s’est montrée de fait très intéressée par le CVO+ curatif. Une grande société americaine, ArtemiLife, assure la production de la plante, un « or vert » dont Madagascar était avec la Chine le principal fournisseur. De plus, trois traitements utilisant de l’Artemisia annua font l’objet de tests dans de grands laboratoires européens et américains.

L’artemisia déjà célèbre contre le paludisme

Cette plante est très utilisée dans la pharmacopée chinoise traditionnelle et ses propriétés utilisées lors de l’épidémie de SRAS, une souche de l’espèce des coronavirus, qui a sévi entre 2002 et 2004, sont connues aussi dans le cadre de traitements antipaludéens. Elle avait bénéficié d’un fort regain d’intérêt lors de la guerre du Vietnam. Un médicament élaboré dans le cadre de recherches militaires avait alors été envoyé par Mao Zedong, à l’époque chef du régime chinois, pour soigner – avec succès – les combattants Vietminh. L’artemisia est revenue dans l’actualité en 2015, quand la chercheuse chinoise Tu Youyou qui avait mis au point le remède antipaludéen en 1972 a obtenu le Prix Nobel de Médecine pour ses recherches. Les travaux sur cette maladie sont toujours d’actualité, car le paludisme reste très meurtrier dans de nombreux pays et là encore les polémiques divisent la communauté scientifique quant à son traitement. L’OMS émet des réserves sur le médicament à base d’artémisinine, mais notamment selon Médecins sans Frontières, il réduirait fortement la mortalité même en cas de formes sévères de malaria. Selon l’Autorité sanitaire, il doit impérativement être couplé à d’autres remèdes.     

Attendre la fin des expérimentations cliniques

En ce qui concerne la Covid, l’OMS met en garde contre l’achat de divers produits à base notamment d’artemisia vendus en ligne et n’ayant pas fait l’objet, pour l’heure, d’essais cliniques. Les tests in vitro menés sur la plante ne suffisent pas. En effet la molécule, cultivée en laboratoire, n’a pas forcément la même efficacité in vivo, chez des individus exposés au virus, de nombreux autres facteurs devant être pris en compte. En France, l’ANSM (Agence Nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé) a alerté elle aussi, depuis 2020, sur les produits à visée thérapeutique vendus sur des sites non autorisés. Ils peuvent s’avérer nocifs, ou selon l’Agence, sont souvent falsifiés, faussement étiquetés ou contrefaits. Pour l’OMS, c’est le cas de 50% de ces produits.

L’or vert et les grands labos

Sur la scène scientifique, la recherche sur l’armoise est plus que jamais à l’ordre du jour. A l’heure actuelle, plusieurs laboratoires internationaux, aux USA – à l’Université du Kentucky – au Mexique, en Allemagne, sous l’égide du fameux Institut Max Planck, continuent à mener des recherches poussées sur la plante aux pouvoirs tant vantés. L’effet antiviral des extraits d’artemisia séchée, annua et afra, se sont avérés plus concluants selon eux que les dérivés d’artémisinine pure. Les analyses n’étant pas encore achevées, la plus grande prudence s’impose toutefois avant que les protocoles thérapeutiques soient établis de façon rigoureusement étayée.

Bien des internautes, très méfiants envers l’industrie pharmaceutique au vu de certaines dérives, l’accusent de faire barrage aux « remèdes naturels » pour promouvoir des molécules chimiques par appât du gain, mais de l’autre côté, ce sont des opérateurs en marge de tout contrôle scientifique et guidés eux-mêmes par la recherche de juteux bénéfices qui, surfant sur la vogue du Bio, de la phytothérapie et de la médecine traditionnelle, sont à la manœuvre derrière des sites Internet proposant des traitements sans aucune connaissance de leur nocivité possible.

Eviter l’automédication

Pour l’heure, aucun médicament homologué ne permet avec certitude de guérir de la Covid et de prévenir l’infection. Qu’il s’agisse de décoctions, tisanes et gélules, leur utilisation reste fortement déconseillée aussi par l’Académie de Médecine. Éviter l’automédication en cas de symptôme évocateur de la Covid, c’est la recommandation expresse des Autorités sanitaires.

Au-delà des recherches en cours sur l’artemisia par rapport à la Covid, la fameuse plante connaît un engouement sans précédent. En France, une « Maison de l’artemisia », localisée dans l’Oise, a été ouverte bien avant la pandémie, en 2013, pour faire connaître ses multiples vertus et aider à sa culture sans pesticides ni engrais, selon une charte rigoureuse. A ce jour, 23 pays ont créé 81 « Maisons », coopératives ou entreprises de l’économie sociale et solidaire.

L’artemisia en Corse

Dans l’île, les variétés locales d’artemisia auraient été utilisées elles aussi dans la médecine traditionnelle pour soigner diverses maladies, notamment certains problèmes gynécologiques et les troubles de la puberté chez les filles. Le nom corse de la plante, dite armoise en français, est identique au nom latin savant et ferait référence à la déesse grecque de la nature et de la chasse, Artémis, devenue Diane dans la mythologie romaine. Présentée comme pouvant provoquer des épidémies quand elle avait été offensée, elle régnait sur le monde animal et végétal et était protectrice des femmes enceintes et des parturientes. Son culte s’est ancré dans l’île depuis l’Antiquité, vraisemblablement grâce aux Phocéens, des Grecs venus d’Asie Mineure, débarqués à Aleria au VIe siècle avant J.C.  Déesse de la fertilité liée à l’astre lunaire, veillant sur les femmes en couches, elle aurait donné son nom à « la plante des mères ».  

Des millénaires après la découverte des vertus médicinales des artemisia traitant les problèmes gynécologiques, le nom de la fameuse déesse de l’Antiquité grecque n’a en tout cas jamais été aussi présent qu’aujourd’hui dans l’actualité internationale, grâce à celles qui sont aujourd’hui étudiées dans les recherches contre la Covid, le paludisme et bien d’autres affections également.

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